Au risque de vous dévoiler la fin... tout finira par être "ok"!
Il faut bien le reconnaître, notre existence est vécue en grande partie en fonction des autres. "L'enfer c'est les autres", disait Jean-Paul Sartre. Mais Jésus a aussi dit: "Aimez-vous les uns les autres". Pris entre ces deux extrêmes nos relations sont tout, sauf stables. Dans une société où l'individualisme et l'égoïsme sont devenus la norme, notre besoin fondamental d'amour sera plus souvent compensé par autre chose. Mais voilà... l'autre veut être "ok" et nous aussi. Et ce "ok" est le défi de toute une vie. Soumis aux contraintes sociales, familiales, professionnelles et interpersonnelles, nous cherchons longtemps le droit d'être "ok" dans le regard de l'autre. Si en plus, le dictat de l'autorité nous encarcane dans des normes sociales abrutissantes, en nous imposant des conditions aberrantes pour satisfaire notre besoin d'être "ok", les moyens pour le satisfaire risquent de devenir extrêmement toxiques. L'histoire de l'humanité regorge d'époques où de telles situations ont été vécues par l'homme. Mais heureusement, l'amour fini toujours par triompher parce qu'il est ce pourquoi et ce par quoi nous avons été créés.
En psychologie transactionnelle on nous explique qu'il existe quatre positions fondamentales que l'on peut occuper dans la vie en fonction de ce désir d'être "ok". Au fil du temps, nous changeons de position pour toutes sortes de raisons. Nous adoptons l'une ou l'autre de ces quatre positions en fonction de nous-mêmes, mais aussi en fonction de l'autre. Nous sommes souvent inconscients de la position que nous occupons, surtout si nous l'occupons depuis un certain temps. Nous aimons placer l'autre dans l'une ou l'autre de ces positions en fonction de celle que nous occupons. Parfois c'est l'autre qui nous place dans l'une ou l'autre de ces quatre positions et nous nous laissons faire plus ou moins consciemment. Nous pouvons aussi avoir tendance à adopter plus souvent l'une ou l'autre de ces positions, un peu comme une tendance, une habitude. Trois de ces positions sont toxiques pour nos relations et celle qui est la plus saine nous échappe souvent. Connaître ces positions nous aide donc à prendre conscience de nos habitudes et nous permet de choisir la position la plus saine. Nous pouvons changer de position d'une personne à l'autre, mais nous pouvons aussi adopter la même position avec chacun et chacune.
Bon... ais-je piqué votre curiosité? Voici les quatre positions en question:
Dans cette position, j'estime que je suis "ok" mais que l'autre ne l'est pas. Mes valeurs ou même ma valeur est supérieure. J'ai quelque chose de mieux ou de plus que l'autre qui me permet de décider que je suis "ok" et qu'il ne l'est pas. Il peut s'agir de son apparence, de son occupation professionnelle, de sa manière d'élever ses enfants, de ses choix sanitaires, peu importe. Évidemment, ceci transpirera dans ma manière de me comporter avec l'autre. L'intérêt, l'écoute et l'attention que j'accorde à l'autre, lorsque je suis dans cette position, a de fortes chances de garder l'autre à l'écart. J'estime que ce que je suis, ce que je pense, ce que je dis, ce que je fais, est supérieur à l'autre que je traiterai en inférieur. Dans une discussion, les idées et propos de l'autre seront peu considérés et l'autre le sentira bien. Mes besoins et préférences sont plus importants que ceux de l'autre et je fais en sorte qu'il le sente bien.
Dans cette position, j'estime que l'autre est "ok" mais que moi, je ne le suis pas. Selon mon jugement et mes perceptions, j'estime que l'autre est mieux que moi. Il réussit mieux, parait mieux, il a une plus belle personnalité, un meilleur emploi, une relation amoureuse plus belle que la mienne. Je me sens plus petit et plus insignifiant devant cet autre en particulier. Mais il arrive aussi que j'adopte cette position en permanence peut importe l'autre qui est devant moi. Cette position devient une habitude et j'évolue dans la vie avec ce sentiment d'infériorité que mon égo se fera un plaisir d'alimenter en trouvant toutes les justifications possibles. Il se peut que j'ai adopté cette position suite à un ou plusieurs échecs. Peut-être ais-je fréquenté quelqu'un qui me poussait à adopter cette position et j'ai accepté. Quoiqu'il en soit, une fois dans cette position, mes besoins et préférences, tout comme mes idées et sentiments ont peu de valeur et je m'habitue à être traité de la sorte.
Dans cette position, j'estime que je ne suis pas "ok" et que l'autre ne l'est pas non plus. Je n'ai aucune confiance ou estime ni pour moi, ni pour l'autre. À la limite, je crois que je suis une mauvaise personne. Je ne suis pas valable et aucun autre ne l'est. Je vois tout ce qui cloche chez moi et chez l'autre. Il se peut que j'adopte cette position avec un autre en particulier. Mais il peut arriver que ce soit une position globale que j'adopte avec tous et chacun. Bien que cette position puisse m'amener à m'isoler, il peut arriver que je me retrouve avec d'autres personnes qui ont aussi adopté cette position. On se retrouve et on se complait dans cette position: "fuck the world", "no futur" peuvent être le genre d'idées qui circuleront entre nous.
Dans cette position, j'estime que je suis "ok" et que l'autre aussi est "ok". Je suis conscient de mes qualités et de mes défauts autant que ceux de l'autre. Je suis conscient que l'être humain est imparfait. J'ai des besoins et des préférences et l'autre aussi. Je sais donc qu'il est important que je tienne compte de mes besoins et préférences mais aussi de ceux de l'autre. Mes opinions et sentiments sont aussi importants que ceux de l'autre, je lui accorderai donc la même attention qu'aux miens. J'accepte l'autre dans ses différences de la même manière que je m'accepte dans les miennes.
J'ai donc le choix de vivre avec Jean-Paul Sartre ou avec Jésus. Personnellement, "aime ton prochain comme toi-même" m'apparaît être une invitation autant qu'une indication. Cette phrase me rappelle que j'aime l'autre comme je m'aime moi-même. Être "ok" dépend donc d'abord de moi. La moitié du chemin est déjà fait. Accorder le même privilège à l'autre me permettra de me sentir encore plus "ok".
Pierre Eugène Rioux, psychosociologue spécialisé en gestion du rétablissement des dépendances.
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