Ravin: Dépression allongée et profonde creusée par un torrent.
À différents moments dans sa vie, l'autre arrive au bord du ravin. Ce ravin a été creusé par le torrent de ses peurs, de ses incertitudes, souvent associées aux vicissitudes de la vie. Déceptions, échecs, erreurs, abondons, rejets, deuils ont creusé et creusé ce ravin au bord duquel il se retrouve si souvent. L'autre ne voit pas d'issue autre que le vide qui est à ses pieds. Anxieux, déprimé, sans motivation, ni énergie le vide l'appelle. La tentation de sombrer l'envahit.
L'autre ne le sait pas, mais il est aux limites de l'expérience humaine: un être spirituel venu vivre une expérience humaine sur la terre. Évidemment, tant que l'autre ne voit que la dimension humaine de sa réalité, le ravin semble être une frontière infranchissable et incontournable qu'il tentera toutefois de fuir toute sa vie durant. Convaincu qu'il devrait avoir la force qu'il n'a pas, il se juge à la lumière du monde dans lequel il vit et se considère défectueux s'il n'arrive pas à y échapper. Dans notre monde, échapper au ravin est devenu l'équivalent de succès ou d'échec, selon le cas. Sauf que, nul n'y échappe...
Puis soudain, il entend une parole tirée du verset 12 du deuxième épitre aux Corinthiens. Au début, il n'y porte pas attention, car cette parole vient de la méchante bible si affreuse. De plus, cette parole détruit tellement de croyances que l'autre entretient depuis son enfance, qu'il ne peut raisonnablement y prêter attention. Mais à force de se retrouver encore et encore au bord du ravin, cette phrase revient le hanter jusqu'à ce qu'il essaie d'en comprendre le sens:
... et il m'a dit: Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi. C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ, car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort. - 2 Corinthien 12
Pour l'égo disproportionné de l'autre, cette phrase est semblable à un poison, un acide qui vient éroder cet égo enflé. Une dénonciation de toutes ses convictions au sujet de comment conduire sa vie. Une phrase qui remet en question le sens même de sa vie. Mais acculé continuellement au bord du ravin, il n'a d'autre choix que de l'accepter et de chercher à comprendre.
Toute sa vie, l'autre a cru ne devoir compter que sur sa propre intelligence et sur ses propres forces. De plus, convaincu par l'église que le seul Dieu qui pourrait lui venir en aide, est un Dieu vengeur, qui juge, qui moralise, qui interdit et qui condamne, il n'attendait que jugement et condamnation de ce côté là et certainement pas de l'aide, de la force et du soutien.
C'est donc au bord du ravin que l'autre commence à découvrir un nouveau sens à sa vie, à la vie. Il commence à comprendre qu'être un être spirituel vivant une expérience humaine sur la terre, implique qu'une Force plus grande que la sienne peut jouer un rôle dans sa vie. C'est l'un des grands secrets de la vie qui est pourtant hurlé depuis des siècles par des millions de personnes qui l'ont compris. Toutes ces personnes, qui, un jour ou l'autre, sont arrivées aux limites de leur humanité en raison d'un deuil, d'une perte, d'une maladie, d'un accident et que sais-je encore... toutes ces personnes se sont retrouvées au bord du ravin et ont dû s'ouvrir à ce merveilleux pouvoir des enfants de Dieu. Toutes ces personnes qui ont fini par comprendre que le divin fait partie de la définition de l'humain.
Depuis la nuit des temps l'humain veut se voir, se croire et se faire l'égal de Dieu. Depuis ce jour où, malgré l'interdiction divine, l'humain a décidé de manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal (non, ce n'était pas une pomme, contrairement aux représentations populaires):
... mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence, elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea. Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, il connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures. - Genèse 3:5-7
Depuis lors, l'humain ayant décidé de ne plus se fier au divin détermine dorénavant par lui-même, sa propre notion de bien et de mal. Guidé par un égo qu'il croit tout puissant, il fait des choix dont il accuse souvent le Divin, des conséquences qu'il récolte. Il rejette le Divin et se limite ainsi à sa condition humaine qui peine à trouver son sens.
C'est au bord du ravin que l'autre retrouve enfin ce sens. Le Divin passe souvent par l'humain pour rejoindre l'autre dans se quête de sens. Au bord du ravin, sans issue, l'autre qui se sent aimé dans sa condition humaine commence à redécouvrir sa dimension spirituelle. Il apprend à se fier à une Intelligence et une Force plus grande que la sienne. Il retourne parfois au ravin, car la vie est ainsi faite. Mais il s'y retrouve en paix et avec joie car c'est au bord du ravin que l'humain retrouve le divin. Puissiez-vous en faire autant aujourd'hui.
Pierre Eugène Rioux, psychosociologue spécialisé en gestion du rétablissement des dépendances.
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