L'autre est incapable de se laisser aimer. Il est convaincu de ne pas en être digne. Cette souffrance se transforme en croissance en brisant la coquille dans laquelle l'autre s'est enfermé.

L'autre est convaincu de ne pas être à la hauteur. Toute sa vie il a trainé ce lourd secret: il croit ne pas être valable. Cette conviction colore chacune de ses pensées, chacun de ses comportements, chacune de ses décisions. L'autre s'habitue à cette ombre tapie au fond de lui-même qui lui susurre constamment à l'oreille: "tu ne vaux pas la peine".
Évidemment, ainsi habité de cette conviction, l'autre en viendra à agir en conséquence.

Il s'habituera à l'abandon et au rejet qu'il créera souvent lui-même en se sabotant.
Aux yeux des autres, l'autre semblera "ok". Il fait des efforts pour se garder la tête hors de l'eau. Dans ses rapports obligés par la vie quotidienne, l'autre arrive à faire bonne figure. Mais quand il se retire dans sa caverne, seul avec son fantôme, il se laisse complètement envahir et se retrouve à la merci de ses mensonges.

Il devient très difficile pour cet autre d'aimer et d'être aimé. Quoiqu'il fasse, il sait que ses carences susciteront tôt ou tard le rejet et l'abandon, s'il ne se sabote pas lui-même. Il s'habitue donc à vivre seul. Il s'isole parce que c'est moins douloureux que de risquer sa vulnérabilité. Il se risque parfois à s'approcher d'un autre, mais ses brûlures le rendent frileux, prudent, insécure. Toujours à l'affût du moindre signe de rejet, il est prêt à s'enfuir à tout moment.
Parfois, l'autre rencontre un autre aussi blessé que lui-même. Il comprend cet autre. Il est plein de compassion parce qu'il sait comment se sent l'autre. Il entrevoit un rapprochement, une amitié, peut-être même un amour. Puis, il s'aperçoit que l'autre agit exactement comme lui et ne se laisse pas approcher. Et c'est le retour à la caverne et aux relations superficielles et éphémères.

Pourtant, tout comme le grain de sable irritera l'huître et la forcera à se protéger en le transformant en perle, l'autre tourne sa blessure en trésor. Quel est ce trésor? Empathie, compréhension, écoute, bienveillance à l'égard de l'autre. Sa souffrance lui permet de comprendre la souffrance de l'autre. Il développe de plus en plus la capacité d'aimer sans rien attendre en retour, conscient que le bien qu'il fera à l'autre, lui reviendra un jour par un autre canal auquel LA Vie s'assurera de lui donner accès.
L'autre a souffert du manque d'écoute, il décide donc d'en donner tout plein. L'autre a souffert du manque de compréhension, il décide donc d'en donner tout plein. Et peu à peu, cette souffrance se transforme en croissance et en une plus grande capacité d'aimer l'autre.
Et une femme parla, disant : Parle-nous de la souffrance:
Et il dit :
Votre souffrance est ce par quoi se brise la coquille de votre entendement.
Et comme il faut que le noyau du fruit se rompe pour que le cœur du fruit s’offre au soleil, ainsi vous faut-il connaître la souffrance.
Et si vous avez su maintenir vos cœurs dans l’étonnement devant les miracles de votre existence quotidienne, votre souffrance ne vous semblera pas moins étonnante que votre joie.
Et, ainsi, vous consentirez aux saisons de votre cœur comme vous avez toujours consentit aux saisons qui passent sur vos champs.
Et vous veillerez sereinement à travers les hivers de votre mélancolie.
Beaucoup de votre souffrance a été par vous-même choisie.
C’est le remède amer adopté par le médecin qui est en vous pour soigner votre moi malade.
Ayez foi en ce médecin et buvez son remède en silence, paisiblement :
Parce que sa main, fût-elle dure et pesante, est guidée par la main bienveillante de L’Invisible.
Et parce que la coupe qu’il vous tend, si même elle brûle vos lèvres, est faite d’une argile trempée aux larmes sainte du Potier.
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