Dans notre société québécoise, deux besoins semblent dominer notre culture sociale. Le besoin de conformité et le besoin d'approbation.
La peur de déplaire, le besoin d'être accepté, de se sentir "ok" est très puissant. Et, semble-t-il, prédominant chez les québécois.
Le dictionnaire Larousse définit la conformité comme un état: deux choses ou plusieurs choses semblables entre elles; ressemblance, similitude. État des choses qui s'accordent, qui se trouvent en parfaite harmonie; concordance, accord. C'est la caractéristique du comportement d'un individu ou d'un sous-groupe lorsque ce comportement est déterminé par la règle du groupe ou par une autorité.
L'approbation, quant à elle, relève du fait de considérer quelque chose comme bon, juste, fondé, louable auquel on peut donner son accord. Ce besoin d'approbation est très fort chez l'être humain et, je le soupçonne, encore plus chez les québécois. En référant à la pyramide des besoins de Maslow, on comprend pourquoi. Ce besoin d'approbation est directement associé à nos besoins fondamentaux de sécurité, d'appartenance et d'estime. Lorsque ces besoins sont insatisfaits, la capacité de s'accomplir est compromise. Mais plus encore, si le besoin d'approbation se combine avec celui de conformité, seule une minorité de personnes resteront fidèles à elles-mêmes, c'est-à-dire à leurs valeurs, leurs principes, leur intégrité.
Lorsque ce besoin d'approbation, combiné au besoin de conformité est soumis à une autorité dictatoriale, les gens se conformeront, même si ça va à l'encontre de leur éthique. Si, en plus, la perspective de perte de privilèges s'ajoute, ce sont les besoins physiologiques de base (manger, dormir, se vêtir, se loger, etc.) qui sont menacés. La majorité choisira alors de se conformer aveuglément, quêtant l'approbation du pouvoir sans se poser de question. Et même si les exigences de ce pouvoir sont irrationnelles, le besoin de conformité et d'approbation dominera.
L'histoire regorge pourtant d'individus qui ont refusé de se conformer. Certains au prix de l'opprobre sociale, d'autres au prix de leur liberté, d'autres encore au prix de leur vie. Le plus célèbre est sans nul doute Jésus de Nazareth qui a défié la pouvoir religieux de son époque. Pensez à Ghandi, Martin Luther King, Abraham Lincoln, la liste pourrait s'allonger longtemps. Ces individus, par leur refus de se conformer ont ouvert la voie à plus de liberté et de vie pour des générations à venir.
L'autre, quel qu'il soit a un besoin viscéral d'approbation et sera prêt à bien des concessions pour le satisfaire. Se conformer en est une. Pourtant, vient un jour où l'autre s'éveille et réalise que se conformer contribue à une injustice et une iniquité. Son besoin d'approbation change de pôle. Il découvre en lui la force et le courage de refuser l'inacceptable parce que quelque chose crie en lui que ça suffit. Cet autre, lorsque vous le croiserez, vous aurez peut-être envie de le museler, de le juger, de le rejeter peut-être même de le crucifier. C'est seulement plus tard, beaucoup plus tard que vous comprendrez, que son refus de se conformer, au prix de votre désapprobation, était un acte visant à vous rendre votre intégrité et votre émancipation.
Cette intégrité et cette émancipation nous ramènent au niveau du coeur. Carl Rogers, le célèbre psychologue humaniste parlait d'un centre interne d'évaluation chez les individus créatifs. Cette caractéristique inhérente à la créativité implique une création qui vient du coeur et qui est soumise à ce centre interne d'évaluation plutôt qu'à l'approbation populaire. Combien de créateurs de tous acabits on vu la flamme de la création s'éteindre sous la vague de leur besoin d'approbation.
S'émanciper en retrouvant son intégrité ainsi que son centre interne d'évaluation peut être insécurisant. Cela peut amener l'autre à remettre différentes choses en question. Aujourd'hui, la pression de conformité est tellement forte que le seul fait de la questionner peut susciter bien des craintes. Par contre, en voyant où vont les choses, peut-être l'autre en viendra-t-il à la conclusion que son intégrité gagnerait à mettre un peu de côté son besoin d'approbation et de conformité.
Pierre Eugène Rioux, psychosociologue, spécialisé en gestion des dépendances
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