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Mais, bon sang, dans quel monde est-ce que je vis moi!?


« Être esclave de soi est le plus pénible des esclavages ». Sénèque

Le monde dans lequel nous vivons peut nous sembler parfois terrible, sinon carrément terrifiant. Continuellement confrontés à l’incertitude de la vie, nous évoluons entre le désir de la dominer et la crainte de la subir. Sous la pression de notre société de performance nous nous évaluons à une échelle qui perd peu à peu son humanité. Les plus lucides reconnaissent ne « pas être parfaits » alors que la réalité humaine est carrément imparfaite. Mais dans notre culte des apparences, le paraître règne en seigneur et nous nous enfermons dans une vision du monde qui nous étouffe à petit feu. Plusieurs accuseront la société et partiront en guerre contre elle… mais choisissent-ils vraiment le bon combat ?

De la science à la conscience...

Thomas Samuel Kunh (1922 – 1996) est un physicien américain, historien et philosophe des sciences. Il s’est particulièrement intéressé au processus par lequel les sciences évoluent. Pour Kunh, les sciences (biologie, physique, chimie, etc.) évoluent à partir « d’accomplissements » scientifiques effectués dans leur passé et sur lequel elles construisent leur évolution. Ainsi, l’ensemble des théories, recherches, expériences effectuées dans l’histoire des sciences devient le cadre à l’intérieur duquel les nouvelles recherches prennent place. Kuhn désignera ce phénomène sous le nom de « paradigme ».

Qu’est-ce qu’un paradigme ? Dans l’univers des sciences sociales, paradigme représente un ensemble d’expériences, de croyances et de valeurs qui influencent la façon dont un individu perçoit la réalité et réagit à cette perception. Ce système de représentation lui permet de définir l’environnement, de communiquer à propos de cet environnement, voire d’essayer de le comprendre et de le prévoir. En quelques mots, un paradigme est finalement, une vision du monde. Vision du monde propre à chacun, donc subjective, et de laquelle chacun est cependant convaincu. C’est pourquoi on peut dire : « Je ne vois pas la réalité telle qu’elle est, mais tel que je suis. »


Dans son célèbre ouvrage « La structure des révolutions scientifiques », Kuhn nous démontre comment la « perception » scientifique est influencée par le climat social - et ses croyances du moment - dans lequel les scientifiques évoluent. Un peu comme dans l’illusion optique du « canard/ lapin » qui change d’apparence selon la perception. Ainsi, nous pouvons comprendre que même la science, dans toute la rigueur à laquelle elle aspire, reste influencée par les mêmes biais que nous subissons tous.

La réalité? Mon oeil!

Notre égo, à l’instar de la science, évolue dans un univers social face auquel il entretient un certain nombre de certitudes et de croyances desquelles il est absolument convaincu. L’esprit humain fonctionne ainsi et nul n’y échappe. Dans l’évangile selon Matthieu, il est écrit : « La lampe du corps, c’est l’œil. Si donc ton œil est sain, ton corps tout entier sera dans la lumière. Mais si ton œil est malade, ton corps tout entier sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres » ! Matthieu 6, 22.

Il en revient donc à chacun, chacune de se regarder et de s’interroger. Si je vis dans un monde de « ténèbres », de peur, de violence, de méfiance, de haine, peut-être est-il temps que je questionne mon propre paradigme ?

Aujourd’hui, des millions de personnes tenteront d’échapper à leur propre paradigme en se réfugiant dans une recherche maladive de récompense ou de soulagement que nous pouvons appeler « addiction » ou tout simplement « dépendance ».

Pour une personne dépendante (alcool, médicaments, drogue, comportements : sexe, gambling, travail, nourriture, dépenses compulsives, fusions amoureuses, etc.) - avec sa tendance à exagérer dans presque tous les domaines de sa vie - il est très facile de sombrer dans un paradigme rempli de ténèbres. Sa recherche maladive de récompense et de soulagement ne contribue qu’à l’enfoncer toujours davantage dans ces ténèbres. C’est pourquoi on dit que sans traitement ou sans engagement dans des activités de rétablissement, la condition du dépendant l’entraine inexorablement vers l’hôpital, la prison ou la mort. Ses stratégies de dépendant ne font que reproduire le paradigme duquel il est prisonnier.

« Centrés sur nous-mêmes, animés par une centaine de sortes de peurs, déçus de ce que nous devenons, ne recherchant que nos intérêts et nous apitoyant sur notre sort, nous marchons sur les pieds de nos semblables et ils réagissent. Ils nous blessent parfois, apparemment sans raison, mais invariablement, nous découvrons que dans le passé, nous avons pris une décision ne favorisant que nous-mêmes et nous exposant à être blessés plus tard ». – Alcooliques Anonymes – Notre méthode page 69

Les 12 étapes, telles qu’originellement présentées par les Alcooliques Anonymes, il y a de cela 80 ans, sont aussi un paradigme. C’est le paradigme qui a aidé mondialement le plus grand nombre de dépendants, toutes catégories confondues, jusqu'à ce jour. C’est par millions que des fraternités – plus de 200 - (Alcooliques Anonymes, Narcotiques Anonymes, Outre mangeurs Anonymes, Gamblers Anonymes, Dépendants Affectifs Anonymes, etc.) ont su proposer à ces personnes désespérées un nouveau mode de vie, une nouvelle vision du monde qui leur permet de se réaliser et de trouver de la sérénité malgré leur condition.

... de retour à la science...

Pour en revenir à Kuhn, celui-ci nous explique que la science évolue par « ruptures ». Une vision du monde est adoptée et partagée par une colonie scientifique. Puis, survient ce qu’il appelle une « anomalie ». Quelque chose ne fonctionne plus dans le paradigme qui a été adopté souvent pendant de nombreuses années. Survient ainsi une crise qui remettra ce paradigme en question et donnera naissance à un nouveau paradigme qui, à son tour, redeviendra la science « normale » autour de laquelle celle-ci continuera d’évoluer.


... puis à la conscience...

Il en est de même pour nous, particulièrement si nous sommes dépendants. Convaincus du bien fondé de notre vision du monde, de notre paradigme, de notre façon de vivre, de nos croyances et de nos valeurs, nous fonçons dans la vie jusqu’à ce qu’une anomalie survienne. Si cette anomalie est suffisamment déstabilisante, elle sera possiblement une opportunité de remettre notre paradigme en question et d’en choisir un plus sain et plus « lumineux ».

« Pourquoi tant insister sur la nécessité pour chaque personne dépendante de toucher son bas-fond ? Parce que sinon, bien peu de gens entreprendront sincèrement de mettre les 12 étapes en pratique. » Les douze étapes et les douze traditions – page 26

En conclusion, la plus grande révolution, le plus grand agent de changement repose entre nos mains en fonction des choix que nous faisons. Nous devons incarner le changement que nous voulons voir apparaître autour de nous. Pour toute personne aux prises avec une forme ou une autre de dépendance, ce changement ne se fait presque jamais isolément, par soi-même. Nous avons besoin de quelque chose de plus grand que nous pour y arriver. Une force supérieure à nous-mêmes que nous pouvons commencer à expérimenter dans les groupes d’entraide, dans les fraternités anonymes et ce, jusqu’à ce que nous découvrions Son action au cœur même de notre vie et au fond de notre âme. Puissiez-vous en faire l’expérience aujourd’hui.

Pierre E Rioux, psychosociologue Pour assister au souper conférence Services


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