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Photo du rédacteurROUTE DOUZE

Écoute ce que je ne dis pas...

Dernière mise à jour : 22 déc. 2019

Ne te laisse pas tromper par moi.

Ne te laisse pas tromper par le visage que je porte, car je porte un masque, mille masques, masques que j'ai peur d'enlever, et je ne suis aucun d'entre eux.

Faire semblant est un art qui est une seconde nature pour moi, mais ne sois pas dupe, pour l'amour de Dieu, ne sois pas dupe. Je te donne l'impression que je suis sûr, que tout est bien et sans problème avec moi, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur, que je suis la confiance même et que je plane au-dessus de tout, que l'eau est calme et que je suis bien aux commandes et que j'ai besoin de personne, mais ne me crois pas.

A la surface, je suis lisse et sans faille, mais ce n'est que mon masque, toujours différent et toujours caché. En dessous, il n'y a aucune complaisance. En dessous résident la confusion, la peur et la solitude. Mais je les cache. Je ne veux pas que quiconque le sache. Je panique à l'idée que ma faiblesse soit exposée. C'est pourquoi, je crée avec frénésie un masque pour me cacher derrière, une façade nonchalante et sophistiquée, pour m'aider à faire semblant, pour me protéger des regards qui savent. Mais ce regard est précisément mon salut, mon seul espoir, et je le sais. S'il est suivi par l'acceptation, et s'il est suivi par l'amour.

C'est la seule chose qui puisse me libérer de moi-même, des murs de la prison que j'ai érigés moi-même, des barrières que j'ai dressées avec tant d'efforts. C'est la seule chose qui puisse m'assurer de ce que je ne peux m'assurer par moi-même, que j'ai vraiment une valeur. Mais je ne te le dis pas. Je n'ose pas, j'ai peur de le faire.

J'ai peur que ton regard ne soit pas suivi d'acceptation, ne soit pas suivi d'amour. J'ai peur que tu penses moins de moi, que tu ries et tes rires me tueraient. J'ai peur, qu'au fond, je ne sois rien, que tu le voies et me rejettes.

Donc, je joue mon jeu, un jeu désespéré à faire semblant, portant sans assurance une façade et un enfant tremblotant à l'intérieur. C'est ainsi que débute la belle, mais irréelle parade des masques, et ma vie devient une façade. Je bavarde avec toi de manière suave de sujets éphémères. Je te dis tout de rien, et rien de ce qui est tout, de ce qui pleure à l'intérieur de moi. Alors, quand je passe à travers mon scénario ne te laisse pas berner par cette sérénade. S'il te plaît, essaye d'écouter attentivement et écoute ce que je ne te dis pas, ce que j'aimerais être capable de te dire, ce que j'ai besoin de te dire pour survivre, mais ce que je ne peux dire.

Je n'aime pas me cacher. Je n'aime pas jouer les jeux superficiels. Je veux arrêter de jouer. Je veux être authentique, spontané et moi-même, mais tu dois m'aider. Tu dois me tendre la main même si c'est la dernière chose que je semble vouloir. Tu es la seule personne qui puisse effacer de mes yeux le regard vide d'un mort vivant.

Tu es la seule personne qui puisse m'inviter à la vie. Chaque fois que tu es aimable, doux et encourageant, chaque fois que tu essaies de comprendre parce que tu portes attention, mon coeur commence à avoir des ailes qui poussent - de très petites ailes, de très faibles ailes, mais des ailes !

Avec ton pouvoir de toucher et de me faire sentir, tu peux m'insuffler la vie. Je veux que tu le saches. Je veux que tu saches combien tu es une personne importante pour moi, comment tu peux être un créateur, un créateur fidèle à Dieu - de la personne que je suis si tu le choisis.

Toi seul peux briser le mur derrière lequel je tremble, toi seul peux enlever mon masque, toi seul peux me libérer de mon monde ombragé par la panique, de ma prison solitaire, si tu le choisis.

S'il te plaît, choisis-le...

Ne passe pas à côté de moi. Ça ne sera pas facile pour toi. Plusieurs années à croire que je ne vaux rien ont érigé des murs très solides. Plus tu approches de moi plus je peux combattre aveuglément. C'est irrationnel, mais en dépit de ce que les livres disent sur l'homme, je suis souvent irrationnel. Je lutte précisément contre la chose dont j'ai besoin. Mais on dit que l'amour est plus fort que les murs et c'est là que réside mon espoir. S'il te plaît, essaye d'enfoncer les murs avec une main ferme, mais douce, car un enfant, c'est très sensible.

Qui suis-je, tu te demandes peut-être ?

Je suis quelqu'un que tu connais très bien. Car je suis chaque homme que tu rencontres et je suis chaque femme que tu rencontres.

Charles C. Finn, Septembre 1966, Please Hear What I'm Not Saying


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