L'ivresse mentale... vous connaissez?
- ROUTE DOUZE

- 24 mai 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 sept.
L’ivresse mentale est un concept issu du milieu du rétablissement des dépendances. Pourtant, c’est un état psychique que chacun peut éprouver un jour ou l’autre au cours de sa vie, que la personne soit aux prises avec une addiction ou non. Mais, au fond, de quoi s’agit-il vraiment ?

Imaginons un instant une période difficile : une rupture amoureuse ou une perte d’emploi. Surgissent alors le ressentiment — « Pourquoi m’a-t-elle quitté ? Je ne mérite pas ça » — et l’apitoiement : « Je n’arrive à rien, j’échoue dans tout ce que j’entreprends ». Puis la peur fait son apparition : « Je ne vaux rien, je ne retrouverai jamais quelqu’un pour m’aimer » ou « Qui voudra de moi après un congédiement ? Je vais tout perdre ». L’orgueil, lui aussi, peut s’en mêler : « Ils ne m’ont jamais reconnu à ma juste valeur, c’est eux qui ne me méritaient pas ». Ces sentiments imbriqués, qui s’enchevêtrent dans la tête, le corps, les pensées et les émotions, déséquilibrent la personne, la rendant comme intoxiquée mentalement. Souvent, les décisions prises dans cet état aggravent la situation au lieu de la résoudre.
L’ivresse mentale se définit donc comme un état d’intoxication émotionnelle résultant d’un mélange toxique de défauts de caractère. Ce cocktail rassemble généralement la peur, le ressentiment, l’orgueil, l’égocentrisme et l’apitoiement, pour ne citer que ces derniers. Il est fréquent que les personnes en ivresse mentale attribuent à tort leur mal-être à leurs émotions, alors que celles-ci sont en réalité provoquées par ces traits de caractère sous-jacents.
Le terme « ivresse » évoque le plus souvent l’alcool. Selon le Larousse, l’ivresse est un état d’excitation euphorique accompagné de troubles perceptifs, d’une incoordination des mouvements, de troubles de l’élocution et parfois d’une libération d’agressivité.
L’ivresse mentale correspond en grande partie à cette définition, mais sans l’euphorie. Une personne en proie à cette ivresse peut manifester des troubles perceptifs, une incoordination motrice, des difficultés d’élocution et, parfois, une agressivité libérée. Et soyez assuré qu’elle peut vous « assommer » aussi bien que l’alcool.

Cette intoxication découle souvent de l’accumulation de réactions telles que la peur, l’apitoiement et le ressentiment, qui reposent sur des traits de caractère sous-jacents. Dans le contexte du rétablissement des dépendances, l’ivresse mentale est fréquemment observée, le sevrage étant généralement sa cause première. Les personnes dépendantes aux psychotropes, lorsqu’elles cessent de consommer, doivent souvent faire face à ce phénomène. Les symptômes du sevrage — irritabilité, anxiété, insomnie — s’opposent souvent à ceux provoqués par la substance elle-même, et s’accompagnent d’une faible tolérance au stress. Pour ces personnes, l’ivresse mentale marque souvent le prélude à une rechute.
Mais même après la période de sevrage, certains peuvent encore éprouver cette ivresse mentale. C’est souvent le cas de ceux qui cherchent à maintenir l’abstinence sans s’engager de manière soutenue dans un véritable processus de rétablissement. Ils se concentrent sur « arrêter de consommer » plutôt que sur « commencer à se rétablir ». On estime qu’une personne en toxicomanie qui sort de la consommation n’a résolu qu’environ 15 % de son problème ; les 85 % restants concernent ses traits de caractère et sa manière générale de composer avec la vie. La nature multifactorielle de la dépendance montre qu’elle exige bien plus que l’abstinence pour retrouver une existence harmonieuse.

Dans les fraternités anonymes, les Douze Étapes constituent la base d’un mode de vie spirituel destiné à favoriser une sobriété durable et la sérénité. Grâce à ce simple mode de vie, des millions de personnes aux prises avec la toxicomanie se rétablissent à travers le monde depuis 1935. La sagesse qu’elles contiennent a traversé les décennies et demeure pleinement d’actualité.
La gestion du mental, permise par ces Douze Étapes, fait définitivement partie des outils essentiels pour toute personne confrontée à la manie du toxique. Savoir calmer et maîtriser son esprit permet de conjurer l’ivresse mentale et d’éviter la rechute qu’elle peut entraîner.
Parmi les autres approches et outils qui existent pour apprendre à gérer son mental, j'ai un faible pour la méthode Vittoz.
Le Dr Roger Vittoz (1863-1925), était un contemporain de Freud et l'un des premiers psychosomaticien. Vittoz parlait de "psychonévrose" et la description qu'il en fait ressemble étrangement à de l'ivresse mentale: pensées circulaires, émotions en tourbillon. La mise en pratique quotidienne de cette méthode toute simple a d'énormes bienfaits et constitue une excellente réponse à l'ivresse mentale. Je vous en parle dans la vidéo suivante:
Si l'ivresse mentale est un problème dans votre vie, je vous invite à communiquer avec moi afin d'en discuter. Souvenez-vous que la sérénité et la paix de l'esprit sont l'état naturel dans lequel nous avons tous le droit de vivre.
Pierre Eugène Rioux, psychosociologue
Spécialisé en gestion du rétablissement des dépendances.






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